Capital Décembre 2014 – Où faut-il acheter ?

Choix, prix, SAV, conseil, … le grand match des enseignes (High tech, meubles, jouets, textile et bricolage).
Face à la déferlante de l’e-commerce, nos magasins doivent renforcer l’accueil et le service.
Nos clients mystères les ont testés

Armand Thiery, H & M, Franck Provost, Chapitre… ces dernières années, aux 4B, les fermetures étaient plus fréquentes que les soldes. Créé en 2006 en plein coeur de Calais, ce centre commercial répondait pourtant à tous les canons esthétiques du moment. Las, il .acheter le site à son promoteur au printemps.

Mauvaise nouvelle pour le contribuable, cet accident pourrait se reproduire un peu partout en France dans les mois qui viennent. Selon la dernière étude de la fédération professionnelle Procos, le taux de vacance des centres commerciaux a grimpé de 4,6% en 2012 à 7,6% en 2014. En cause ? La crise, bien sûr. L’abus de programmes aussi. Mais surtout, une tendance structurelle qui voit les consommateurs détourner une partie croissante de leurs achats du magasin vers le Net. L’e-commerce représente aujourd’hui 8% des ventes de détail en France, mais bien plus dans certains secteurs comme le voyage (62%) ou les produits culturels (52%). Evidemment, nos enseignes traditionnelles captent une partie de ces ventes sur leurs propres sites. Mais les pure players comme Cdiscount et surtout Amazon en sont les principaux bénéficiaires.

Elle est bien finie l’époque où nos magasins n’avaient qu’à aligner leurs articles sur des gondoles et attendre que le chaland vienne les vider. Nos chaînes doivent désormais aller le chercher avec les dents et surtout le faire consommer. A la fois pour prendre des parts de marché au rival et pour lutter contre la concurrence du Web. Propreté des rayons, politesse des vendeurs choix, prix… tout compte. Pour comparer leurs performances, Capital a demandé au cabinet spécialisé Directique d’évaluer les prestations de douze acteurs leaders de cinq secteurs de la distribution, en envoyant de faux clients dans leurs points de vente. A l’arrivée, une foison de données aussi inédites qu’instructives. Et des perles savoureuses. Comme celle de ce conseiller de Leroy Merlin qui nous demande si on est «réveillé» parce qu’on a mal lu une étiquette ou de cette vendeuse de La Grande Récré qui nous encourage à aller acheter un jouet chez Décathlon.

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A défaut d’être irréprochables, nos distributeurs ont heureusement déjà pris conscience de leurs lacunes. «Je vois de plus en plus apparaître des “directeurs de l’expérience client”, constate Olivier Brunot, le P-DG de Directique, habitué à auditer les réseaux de magasins. Mais leur boulot est difficile : c’est nettement plus compliqué de redonner le sourire à des vendeurs démotivés que d’améliorer l’ergonomie d’un site Web.» Dans son dernier ouvrage «Distribution : inventer le commerce de demain» (Editions Pearson), le patron du cabinet Dia-Mart Cédric Ducroq suggère trois pistes : «Simplifier l’achat pour se rapprocher de la fluidité d’Amazon, le stimuler en suscitant le désir et réhumaniser le point de vente.» Sacrifiés ces dernières années sur l’autel du profit, les vendeurs pourraient bien revenir en grâce. «Lors d’une récente mission dans une enseigne high-tech, on a établi que le coût de l’embauche de conseillers supplémentaires au rayon PC était plus que compensé par le chiffre d’affaires additionnel», poursuit Cédric Ducrocq.
Dans ce dossier, vous découvrirez secteur par secteur comment les enseignes tentent de fidéliser leur clientèle. A travers la formation Rever, la Fnac réapprend ainsi le b.a.-ba à ses vendeurs depuis 2012 : dire bonjour, être souriant et accompagner le client vers le produit qu’il recherche. Son rival Darty va équiper ses gilets rouges de tablettes leur permettant d’accéder à l’historique des achats du client. Au rayon jouets, Toys «R» Us organise des soirées pyjama pendant que, dans le meuble, Conforama et But ouvrent de petits magasins en centre-ville pour se rapprocher du consommateur. Autre initiative originale : les enseignes Celio et Eram encouragent leurs fidèles à télécharger l’application StepIn afin de les géolocaliser. Dès qu’ils pénètrent dans l’un de leurs magasins, voire se rendent dans un rayon précis, ils empochent des points cadeaux. Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire !
Mais attention à l’excès de zèle. «Nous encourageons les enseignes à cibler les clients avec des partis pris. Entre la largeur de gamme, le prix et l’accueil, elles doivent choisir leur combat.» Dans leurs boutiques, Apple ou Nespresso assument des tarifs élevés en échange d’un vrai conseil. A l’inverse, Primark néglige ce dernier pour mieux casser les prix de ses vêtements. Pire, la chaîne ne vend même pas en ligne ! Les Français n’en ont cure : ils se précipitent partout où elle ouvre. Le magasin n’a pas dit son dernier mot.
Gilles Tanguy – CAPITAL

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HIGH-TECH
Boulanger mieux placé face à la concurrence du Web

Face à Amazon & Co, c’est l’enseigne nordiste qui donne le plus envie d’aller en magasin. Mais Fnac et Darty sont plus numérisés.

Une information du «Wall Street Journal» a récemment surpris tous les professionnels du commerce : à
New York, Amazon envisagerait d’ouvrir une échoppe. Le cador de la vente sur Internet n’a pas démenti.
Si c’est vrai, quelle revanche pour la boutique de papa ! «Souvenez-vous, quand les pure players sont arrivés, beaucoup annonçaient la mort rapide des magasins classiques, rappelle Frédérique Giavarini, directrice de la stratégie à la Fnac. Nous, nous n’y avons jamais cru.» De fait, si l’e-commerce capte aujourd’hui 21% des ventes de biens high-tech (source : GfK), les Fnac, Boulanger ou encore Darty continuent d’attirer des millions de Français dans leurs allées. Grâce à des vendeurs plutôt souriants et compétents (lire le tableau ci-contre). Mais aussi parce qu’ils ont su marier le meilleur des deux mondes.
Ce qu’ils appellent dans leur langage le «cross canal».
Derrière ce mot barbare se cachent une kyrielle de services désormais bien connus des consommateurs : commander en ligne et venir chercher son produit en magasin ; acheter un objet sur le site Internet de la
chaîne, depuis la tablette d’un vendeur ; sélectionner un article sur la Toile et finaliser son achat après l’avoir testé en rayon… En quelques années, toutes les pratiques sont entrées dans notre quotidien. Si bien qu’elles pèsent par exemple 36% du chiffre d’affaires de Fnac.com. «Cette palette de solutions est surtout devenue l’outil indispensable pour fidéliser sa clientèle», tranche Jean-Daniel Pick, associé chez OC & C Strategy.
Soyons clairs, cette révolution numérique ne s’est pas faite sans douleur. Il a fallu convaincre les équipes et consentir à des investissements lourds (logistiques et informatiques), tout en pratiquant des prix toujours plus serrés : pour rester cohérentes, les enseignes ont aligné leurs étiquettes magasin sur leurs tarifs Web, généralement plus bas puisque en concurrence directe avec ceux de Cdiscount ou d’Amazon. Mais ce branle-bas de combat est venu avec son lot de bonnes nouvelles. D’abord, un client adepte du cross canal dépense plus qu’un strict habitué du Web ou du magasin. L’exemple type ? Lorsqu’il vient récupérer en magasin une commande Internet, il repart avec un article supplémentaire dans un cas sur deux. Ensuite, il y a un cercle vertueux : plus une enseigne a de points de vente, plus elle reste à l’esprit du chaland, plus son site Web attire, plus ses commerces sont fréquentés. «Ce n’est pas pour rien que la Fnac et Darty multiplient les ouvertures en franchise et que Boulanger y réfléchit, raconte Yves Marin, de Kurt Salmon. Finalement, les deux canaux se renforcent.»

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A condition d’abord d’assurer une bonne complémentarité Web-boutique. Internet garantit l’accès à un catalogue quasi infini et à une information foisonnante. Les magasins font découvrir les nouveautés et surtout donnent la possibilité de manipuler les objets. Dans toutes les échoppes désormais, des dizaines de téléphones, de machines à café et de PC sont mis à disposition ! Chez Darty, grâce au Wi-Fi, on peut écouter la musique de son smartphone sur des enceintes en exposition. A la Fnac, le rayon tablettes accueille des télés pour montrer au badaud comment transférer les photos de son iPad sur grand écran. «Et si vous cherchez un aspirateur, vous pouvez très bien tester des modèles sur place, affirme Hervé Boisse, directeur clients chez Boulanger. Il suffit de demander aux vendeurs de vous les brancher !»
Pour inciter ces vendeurs à changer d’ère et à vanter les produits absents des magasins mais présents sur le site, les enseignes ont revu leur système de rémunération : leurs conseillers sont désormais commissionnés sur les ventes Internet qu’ils génèrent. «Bientôt, ils le seront même si le client ne finalise sa commande qu’une fois rentré chez lui», précise Christian Lou, directeur marketing et digitalisation chez Darty. A la Fnac, la prime dépend plutôt du montant de la transaction. Chez ses concurrents, elle varie selon le produit : à chaque télé sa commission associée, selon la marque, le modèle. «Mais les différences sont marginales et la qualité du conseil n’en pâtit pas», assure Hervé Boisse.
Les formations aussi ont dû être adaptées aux exigences nouvelles de la clientèle.

«Aujourd’hui, un acheteur qui délaisse son ordinateur et prend le temps d’aller en magasin s’attend à un accueil zéro défaut», assure Philippe Piron, directeur régional de la Fnac. Les modules sur les caractéristiques des produits ont également été multipliés, comme chez Boulanger, qui organise trois grands salons annuels avec les fournisseurs. Les distributeurs doivent aussi familiariser les vendeurs avec les outils liés au cross canal. Ainsi chez Darty, où les hommes en rouge seront bientôt munis d’une tablette pour accéder au site Internet de la maison, récupérer l’historique d’achats de leur client… «Cela nécessite une formation complète, précise Henri Danzin, fondateur de l’agence Oyez et chef d’orchestre de ce passage au numérique. Digitaliser une enseigne représente un investissement certain, de plusieurs millions d’euros, mais il peut générer plus de 1% de chiffre d’affaires supplémentaire.»
Un relais de croissance évidemment bienvenu, auquel nos épiciers HD associent désormais un autre générateur de business : la «marketplace», un coin du portail Web où des vendeurs partenaires proposent leurs produits. «C’est une source de rentabilité, jure Philippe Corrot, le fondateur
de Mirakl, une start-up qui installe ces places de marché. Sans avoir à engager trop d’investissements, l’hébergeur perçoit une commission de 7 à 25% sur chaque transaction, selon le type de produit.» Voilà pourquoi Fnac.com vend des caves à vins et Darty des matelas…

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MEUBLES

La bande des trois multiplie les ouvertures

Les clients se font un peu prier pour venir dans les magasins ? Les trois leaders se rapprochent d’eux avec des formats plus petits et en développant les services Web.

Encore une exception culturelle : en France, plus qu’ailleurs, la crise de l’immobilier a un impact direct sur la vente de meubles. Contrairement à nos voisins européens, qui renouvellent plus régulièrement les leurs, les Français ont tendance à craquer pour un nouveau salon ou une cuisine flambant neuve seulement lorsqu’ils déménagent. Alors, quand la pierre vacille… En 2013, le marché du meuble a ainsi reculé de 3%. Et entre janvier et septembre dernier, il a rechuté de 2,8%, selon l’Institut de prospective et d’études de l’ameublement (Ipéa).
Dans ces conditions, comment les as de la commode, Ikea, Conforama et But, se débrouillent-ils pour attirer le chaland ? Même le leader suédois du secteur (17,9% de part de marché) doit se remettre en cause : l’an dernier, pour la première fois depuis son installation en France, ses ventes ont reculé de 4,3%. La baisse est aujourd’hui stoppée. Mais l’alerte a été chaude. D’autant qu’en face les numéros 2 et 3 sont passés à l’offensive. La part de marché de Conforama atteint aujourd’hui 15,3% (+ 0,4 point en un an) et celle de But 11,3% (+ 0,7).
La première initiative des enseignes pour résister à la crise ? Renforcer le maillage du territoire. «Puisque le client  elles d’aller le chercher», résume Yves Marin, consultant chez Kurt Salmon. Conforama (206 points de vente) a ainsi repris au groupe Mobilier européen en difficulté une dizaine de ses  magasins sous enseignes Fly, Atlas et Crozatier. De son côté, But (280 sites) a accéléré l’intégration
de magasins Sésame et Maga en perte de vitesse. Les deux challengers en ont profi té pour développer leurs nouveaux concepts : Confo Déco et Confo Dépôt d’un côté, But City et But Cosy de l’autre. Pour Conforama, il s’agit de surfer sur le succès continu des articles de décoration avec de petits magasins situés en centre-ville. Confo Dépôt, lui, doit répondre aux attentes des consommateurs au budget serré. «Il y a un appétit pour les articles très discount, des fins de série, des produits d’exposition ou endommagés vendus avec des rabais de 10 à 70%», commente Christophe Guégan, le directeur des
opérations France.
But a accéléré le déploiement de son concept urbain But City et de But Cosy à proximité des petites villes. Et Ikea ? L’enseigne peaufine sa riposte. Elle va investir 600 millions d’euros sur trois ans pour ouvrir sept nouveaux sites et en rénover deux autres. D’ici à 2020, son parc devrait passer de 30 à 40 magasins. Et histoire de toucher les deux tiers de Parisiens qui n’ont pas de voitures, elle projette d’inaugurer un point de vente revisité au coeur de la capitale.
Pour conserver les grâces de la clientèle, la deuxième initiative de nos rivaux a été de revoir l’offre. Conforama en chamboule 30 à 60% tous les neuf mois, contre deux ans auparavant. «Dans un contexte de baisse du marché, il faut innover sur l’assortiment», insiste Stefan Vanoverbeke, le président d’Ikea France. En l’espace d’un an, 75% de ses showrooms ont été modifiés. Pas de surprise,ce sont les univers les plus rentables, comme la salle de bains, la cuisine et la chambre, qui font l’objet de toutes les attentions, avec des mises en scène soignées. «Nous cherchons à offrir plus d’inspiration, à mieux nous adapter aux spécificités locales», précise le P-DG d’Ikea. En région parisienne, où les logements exigus sont nombreux, on présente des astuces pour aménager une cuisine dans 6 mètres carrés, pas à Rouen ou Montpellier…
Mais qu’on le veuille ou non, en période de vaches maigres, le meilleur argument reste le prix. «La promo fait partie des gènes de l’enseigne, mais nous allons un peu plus loin en proposant des offres très percutantes sur toutes les familles de produits», assure Thierry Huz, le directeur du pôle ameublement et décoration de Conforama. A vrai dire, tous ont subi le rabot. Y compris Ikea, qui, en dépit de son slogan «everyday low price» (des prix bas tous les jours), multiplie les opérations coups de poing. Pour y parvenir, le suédois n’entend pas non plus rogner sur ses marges et intervient très en amont sur la chaîne de valeur, maîtrisée de bout en bout : matériaux plus légers, moins chers à transporter, finitions invisibles moins sophistiquées, livraisons directes en magasin… «Sur les articles de chambre, nous avons réduit les coûts de revient de 30 millions cette année, et ces économies profitent aux clients», se félicite Stefan Vanoverbeke.
Enfin, les enseignes s’efforcent de rendre l’expérience d’achat plus agréable. Pour cela, elles misent largement sur la technologie. Le «click & collect», qui consiste à acheter sur Internet et à récupérer le produit en magasin ou dans un point relais, se généralise. Les applis digitales se multiplient aussi, comme Profi l literie chez Conforama : en trois minutes, on détaille son profil de dormeur et un choix de produits ad hoc s’affiche à l’écran ! Sur le terrain, les tablettes tactiles fleurissent. En donnant accès à l’intégralité de l’offre, elles sont censées permettre aux vendeurs de répondre rapidement aux demandes des clients. Même le rébarbatif passage en caisse se transforme. Ikea développe ainsi un système pour scanner soi-même les produits à l’aide de son smartphone pendant la visite et gagner du temps à la sortie. La crise a parfois du bon.
Jean Botella •

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TEXTILE

L’espagnol Zara plus solide que le suédois H & M face à la vague du hard discount

Le modèle de H & M, moins haut de gamme que celui de Zara, est plus exposé à la percée des discounters comme Primark.

On devait être dix, on est deux.» Dans le Zara du centre commercial des Quatre-Temps, près de Paris, le vendeur court littéralement pour nous dénicher un pull et un pantalon repérés en vitrine. «C’est vraiment dur», souffle-t-il en s’efforçant de garder le sourire. Aucun de ses 5 000 collègues ne le contredira. En plus de ranger, vendre et encaisser, ils doivent décharger les camions, installer la marchandise et même faire la sécurité. Le tout avec 20% d’effectif en moins depuis deux ans et un Smic horaire majoré de 50 centimes. Du coup, le turnover et l’absentéisme s’envolent.
Et ce n’est guère mieux chez H & M. Là, chaque matin, les 4 900 vendeurs sont enjoints par leur «department manager» de proposer ceinture, chouchou ou autres accessoires à tout client leur demandant conseil. Problème : ces salariés, souvent âgés de moins de 25 ans, n’ont ni la compétence technique ni le moindre temps à consacrer au client. «Depuis un an, nous sommes minutés heure par heure sur des tâches très précises afin d’être plus productifs. Ils appellent ça le Store Logistic Operation», explique Betty Soudet, déléguée syndicale CFDT.
On l’aura compris, nos deux coleaders mondiaux du textile (environ 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires chacun) ne font pas dans la dentelle en matière de management. D’ailleurs, selon notre étude, seulement la moitié de leurs vendeurs daignent sourire.
Ce manque d’attention pour les clients est étonnant alors que la concurrence n’a jamais été aussi rude. Primark, qui déferle sur l’Europe avec ses jeans à 10 euros et ses tops à 6 euros, leur envoie un uppercut sur les prix. «Le différentiel est de 40% avec H & M et de 70% avec Zara !», souligne Guy-Noël Chatelin, partner chez OC & C. Cette vague discount est encore renforcée par l’envolée des ventes sur Internet, passées de 2 à 14% entre 2007 et 2014. Pour résister, Zara et H & M ont pourtant décidé de conserver les fondamentaux de leur stratégie, voire de les renforcer. Plus que jamais, l’enseigne espagnole tente de séduire les passionnées de mode en faisant tourner ses collections à la vitesse de l’éclair. Au siège de La Corogne, les cinquante stylistes retouchent les modèles qui ne marchent pas ou en copient de nouveaux, repérés dans les défilés, le tout en quelques heures. Grâce à une production réalisée aux deux tiers en Europe et à une logistique qui fait école, il ne s’écoule que trois semaines entre leurs croquis et l’installation en magasin. Si bien que 18 000 nouveaux patrons sortent chaque année et que 45% des articles sont vendus en sept jours, contre 25% chez les rivaux.
Robes et vestes sont ensuite mises en scène dans des boutiques de plus en plus grandes et luxueuses. «Zara quitte les formats de 500 mètres carrés pour passer au-delà des 1 500, voire 2 000 mètres carrés, et privilégie les matériaux nobles comme le bois», observe Régis Zerbib, fondateur d’Infomode.
Enfin, la maison mère Inditex continue d’occuper le terrain avec différents concepts d’enseignes ciblant tous les publics : Massimo Dutti pour les hommes chics, Bershka pour les ados, mais aussi Pull & Bear, Stradivarius, Oysho, Zara Home et Kids… ou encore Lefties, positionnée au niveau de Primark, à destination des très petits budgets. Une vraie machine de guerre !
En face, H & M entre lui aussi en résistance. Pour séduire le plus grand nombre, le suédois ne cesse d’élargir son offre. Il développe ainsi de nouvelles lignes de vêtements de sport et de denim. Mais les matières premières sont de plus en plus synthétiques. «La qualité se dégrade du fait de l’envolée du prix du coton et des salaires en Extrême-Orient», explique Aude de Moussac, chez Kurt Salmon. Contrairement à Zara ou Primark, qui ne dépensent quasiment rien en publicité, le suédois continue de s’offrir des stars (Beyoncé ou Beckham) et des designers de mode, qui affolent à chaque fois la planète fashion avec leurs minicollections. «Ça fonctionne toujours, mais ça coûte très cher», confie un salarié. Environ 4% de son chiffre d’affaires. Surtout, H & M semble à la remorque de Zara sur la stratégie multi-enseignes. En France, il n’aligne qu’une vingtaine de magasins COS, Other Stories ou Monki, contre plus de 110 nouveaux formats chez l’espagnol. Idem pour l’ecommerce. Son site, lancé au printemps dernier, facture le retour produit et ne permet pas de retirer ses achats en magasin, quand le rival propose ces deux services gratuitement depuis quatre ans.
Au final, le plus surprenant est de constater que les deux rois de la fringue abordable n’ont pas baissé leurs prix. Bien au contraire. Zara les aurait même augmentés de plus de 20% en trois ans. H & M, lui, fait grimper les centimes après la virgule. De 0,90 à 0,95 en 2010 et de 0,95 à 0,99 en 2013. Sur des millions de vêtements, ça fait beaucoup d’argent !
Sophie Lécluse •

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JOUETS

Toys “R” Us au top pour le grand rush de Noël

En pleine frénésie de Noël, les deux spécialistes du jouet se marquent à la culotte pour dorloter leurs clients. Mais La Grande Récré cède un peu de terrain, notamment sur les prix.

Imaginez 40 enfants lâchés après la fermeture dans un immense magasin de jouets avec tout à disposition : baby-foot, circuit auto, Kapla, maquillage et bataille de polochons à volonté ! Un vrai rêve devenu réalité chez Toys «R» Us, lors d’une soirée pyjama organisée le 21 octobre dernier. Les trois derniers mois précédant Noël, l’enseigne américaine multiplie ainsi les animations. «Nous faisons en sorte
qu’il y ait toujours de la magie dans nos magasins», déclare le directeur général, Gilles Mollard. Surtout en cette saison. Comme tous les spécialistes de jouets, Toys «R» Us réalise en effet la moitié de ses ventes entre octobre et décembre.
Or deux tiers de ses 49 hangars à joujoux (chacun avec 2 200 mètres carrés de surface de vente en moyenne) sont situés dans des zones commerciales en périphérie des grandes villes. Pour capter une clientèle éloignée, la chaîne yankee est donc obligée de mettre le paquet sur les événements en magasin. Et de le faire savoir grâce à un budget publicitaire estimé à plus de 15 millions d’euros sur l’année.
Tout l’inverse de son principal concurrent, La Grande Récré. Ce coleader en France (chacun affiche près de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires) se contente de deux ou trois Pères Noël pour faire la tournée de ses 220 magasins Avec juste quelques spots de pub sur les radios locales. Inutile de se ruiner. Les boutiques, situées au coeur des villes ou dans les centres commerciaux, se remplissent toutes seules. Mais comme l’enseigne française est plus chère que sa rivale (de 15% environ) et offre moins de choix, elle compense en privilégiant le conseil et les services. Le résultat, en termes d’accueil, n’a toutefois pas sauté aux yeux des visiteurs mystères de Directique, qui classent même Toys «R» Us légèrement devant.
Depuis novembre, c’est pourtant l’effervescence maximale à La Grande Récré. Plus de 800 contrats saisonniers sont venus prêter main-forte aux 1 300 vendeurs permanents, pour travailler 24 heures sur 24 (réception et mise en rayon des jouets la nuit, vente le jour, jusqu’à minuit) et 7 jours sur 7 (les magasins sont ouverts tous les dimanches en décembre). «Ils aident les grands-mères à faire le bon choix», explique le porte-parole de l’enseigne, Franck Mathais. Leur formation porte autant sur les spécifications des jouets et le développement de l’enfant que sur l’art d’augmenter le panier moyen, par exemple en suggérant de ne pas oublier les piles de la voiture télécommandée ou la tenue complémentaire de la poupée Kayla.
Très actifs, chacun dans son genre, nos deux géants du jouet ont d’autant plus raison de se bouger qu’ils doivent contrer la progression d’Internet, Amazon et Cdiscount en tête. «Les ventes de jouets sur la Toile sont passées de 11 à 17% en trois ans et devraient finir l’année à 20%, mais elles représentent déjà la moitié du marché en Angleterre», prévient Frédérique Tutt, analyste jouet chez NPD. Une menace qui ferait presque oublier les hypermarchés (35% du gâteau total). Ces derniers n’hésitent pas à brader Lego et Barbie deux semaines avant Noël, car il s’agit avant tout pour eux d’attirer du monde pour vendre le maximum de foie gras et de champagne.
Face à ces bulldozers de la livraison express ou du prix barré, nos spécialistes ont plusieurs armes dans leur hotte. La profondeur de stock d’abord : sur les jouets stars, ils se réservent les plus grosses commandes, comme cette année pour la poupée La Reine des neiges ou le centre commercial de Lego Friends. L’idée est d’être le dernier à se retrouver en rupture de stock. Chacun propose également une kyriel le de marques propres exclusives (15 à 20% des ventes), comme Bruin (premier âge) et Fast Lane (voitures) chez Toys «R» Us ou Calinou (poupées) à la Grande Récré. En plus d’attirer le chaland par des prix 20% moins élevés, ces jouets venus d’Asie représentent des marges de 15% supérieures à celles des grandes marques. Au passage, chacun rivalise de petites attentions. Toys «R» Us diffuse le parfum vanillé des Corolle au rayon poupées et érige de véritables sapins à l’entrée de ses temples. La Grande Récré offre l’emballage et le papier cadeau, et signale les jouets made in France.
Surtout, les deux n’hésitent plus à prendre leur part du gâteau Internet. Lancé en 2010, le site de Toys «R» Us réalise déjà 10% des ventes de l’enseigne à Noël. Bientôt, un centre logistique flambant neuf de 50 000 mètres carrés installé à Saint- Fargeau, dans l’Yonne, permettra des livraisons en flux tendu. La Grande Récré, plus timide, préfère réaliser l’essentiel de ses ventes sur le Web via l’Avenue des jeux, un pure player racheté l’an dernier. Son site fait, lui, la part belle à l’e-réservation et au «click & collect» (réservation ou vente sur Internet, puis retrait en magasin). Toujours dans l’optique de rabattre les clients vers ses boutiques.
Enfin, chacun prospecte de nouveaux territoires géographiques. De préférence ceux du concurrent. Toys «R» Us a ouvert trois petits pop-up stores en centre-ville l’an dernier. «L’idée était de tester ces emplacements à Noël, pour ensuite les pérenniser», explique Gilles Mollard. D’autres pourraient éclore cette année. La Grande Récré vient d’ouvrir un 2 500 mètres carrés à Metz afin d’étendre au maximum ses produits complémentaires : livres, bonbons, loisirs créatifs, etc. Espérons que le Père Noël, lui, choisira encore de passer par la cheminée.
Sophie Lécluse •

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BRICOLAGE

Leroy Merlin souvent meilleur conseiller que Castorama

Au coude à coude pour l’offre et les prix, les duettistes se distinguent par le service. A ce jeu, le nordiste devance Castorama avec des vendeurs plus avenants.

Près de 80 magasins mobilisés, plusieurs milliers de clichés réalisés… Pour sa dernière pub, Leroy Merlin
s’est offert un casting géant dans toute la France. Objectif ? Trouver des binômes client-vendeur photogéniques pour illustrer la qualité de sa relation client. L’histoire ne dit pas si les heureux élus sont repartis avec une perceuse gratuite sous le bras.
Une chose est sûre, le service est devenu stratégique pour les enseignes de bricolage. D’abord parce que le marché, quoique dynamique (+1,9% en 2014), a ralenti depuis cinq ans. «Le budget d’un client n’est plus extensible, l’enjeu pour les enseignes est d’en accaparer la plus grande partie», précise Frank Rosenthal, consultant indépendant. Ensuite, la différence ne se fait plus trop sur l’offre. «Avant, Castorama jouis sait d’un avantage au rayon bâtiment et Leroy Merlin en décoration, mais aujourd’hui ils présentent à peu près le même choix et les mêmes prix !», tranche Rémy Dassant, conseiller auprès de l’union professionnelle Unibal.
Les deux cadors du tournevis ont donc repensé leurs points de vente pour améliorer accueil et conseil. A chaque rayon son panneau explicatif ou sa petite vidéo pédagogique : «Comment poser son parquet fl ottant», par exemple. Tout est pensé pour faciliter la vie du client, parfois
même après les caisses : des magasins mettent ainsi à disposition un petit atelier en libre accès où couper des tuyaux ou des planches tout juste achetés. «Toutes les catégories de clients, du bricoleur du dimanche au professionnel, doivent se sentir les bienvenus, résume Olivier Dauvers, expert de la distribution. La qualité des équipes devient essentielle.»
Vu leur processus de recrutement, les enseignes en ont bien conscience, imposant deux, voire trois entretiens d’embauche. «Chaque candidat rencontre les RH du magasin, le directeur et enfin le chef de secteur avec qui il travaillera au quotidien», raconte Jean-Marc Cicuto, délégué syndical central CFTC chez Leroy Merlin. Pour éviter les responsables de rayon revêches, les deux réseaux ont ont aussi révisé leurs critères de sélection. «Pas besoin d’un CAP de maçon pour être embauché !, explique une ancienne directrice de magasin. Il faut plutôt être motivé et avenant.» Une banalisation des profils qui ne semble pas déranger Frédéric Sambourg, à la tête de la Fédération des magasins de bricolage. «Pour être un bon vendeur, il faut de la motivation et des compétences. C’est le savoir être qui est le plus difficile à transmettre.»
Et de fait, les champions de la clé de 12 musclent leurs programmes de formation. Au siège de Leroy Merlin, près de Lille, une école interne accueille des dizaines de milliers de «stagiaires» chaque année. Quant aux salariés de Castorama, tous ont encore reçu 16,4 heures de cours en moyenne en 2013. Le résultat est là : la plupart des conseillers ont su répondre aux questions imaginées par les enquêteurs de notre partenaire Directique : «Quelle est la durée de recharge d’une batterie de perceuse ?», par exemple. Mention spéciale pour le staff de Leroy Merlin : il le fait avec le sourire…
Peut-être parce qu’il y a intérêt ! Chaque trimestre, l’enseigne nordiste mène une enquête clients à la sortie de ses points de vente. Selon le niveau de satisfaction obtenu par son magasin, chaque vendeur pourra gagner jusqu’à 250 euros de salaire en plus par session (soit 1 000 euros par an). Une somme non négligeable même si, avec 24 000 euros brut par an (tous bonus inclus) selon nos informations, les Leroy Merlin bénéficient déjà d’un salaire moyen légèrement supérieur à celui de leurs camarades de Castorama.
Mais gare, les deux chaînes risquent de se prendre un coup 
de marteau sur les doigts. «Elles exigent un service irréprochable mais, pour améliorer la rentabilité, elles réduisent aussi les effectifs en points de vente, s’agace Jean-Paul Gathier, délégué syndical central FO chez Castorama. Dans mon magasin, à Mérignac, le nombre d’équivalents temps plein est passé de 135 à 83 par rapport à 2002.» Partout, l’heure est à plus de polyvalence : les vendeurs doivent aider le badaud, mais aussi mettre les articles en rayon, changer des étiquettes et passer des commandes. Même si cela n’apparaît pas sur la photo.
Claire Bader •

2015-01-08_112341

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